samedi 24 mai 2014

La propriété, c'est le vol

Si j’avais à répondre à la question suivante : Qu’est-ce que l'esclavage ? et que d’un seul mot je répondisse : c'est l’assassinat, ma pensée serait d’abord comprise. Je n’aurais pas besoin d’un long discours pour montrer que le pouvoir d'ôter à l’homme la pensée, la volonté, la personnalité, est un pouvoir de vie et de mort, et que faire un homme esclave, c’est l’assassinat. Pourquoi donc à cette autre demande : Qu'est-ce que la propriété ? ne puis-je répondre de même : c’est le vol, sans avoir la certitude de n'être pas entendu, bien que cette seconde proposition ne soit que la première transformée ?

Lorsqu'on s'interroge sur la société actuelle et la religion de la Croissance, on en vient naturellement à questionner le Capitalisme, puis les notions de "Capital" et enfin de "Propriété".
Dès lors, quoi de plus attirant que la lecture de l'ouvrage "Qu'est-ce que la propriété ?" par le 
polémiste/journaliste/économiste/philosophe/sociologue bisontin Pierre-Joseph Proudhon.

La formule qui reste est effectivement celle citée en exergue :
"La propriété, c'est le vol" (*)

Remettant d'abord en cause celle de la terre ("on veut savoir en vertu de
quel droit l'homme s'est approprié cette richesse qu'il n'a point créée, et que la nature lui
donne gratuitement"), il en vient naturellement à celle des moyens de production, puis en vient à la notion de travail, le capitalisme étant l'apothéose d'une extorsion invisible. 


Quiconque travaille devient propriétaire : ce fait ne peut être nié dans les principes actuels de l'économie politique et du droit. Et quand je dis propriétaire, je n'entends pas seulement, comme nos économistes hypocrites, propriétaire de ses appointements, de son salaire, de ses gages ; je veux dire propriétaire de la valeur qu'il crée, et dont le maître seul tire le bénéfice.

Comme tout ceci touche à la théorie des salaires et de la distribution des produits, et que cette matière n'a point encore été raisonnablement éclaircie, je demande permission d'y insister ; cette discussion ne sera pas inutile à la cause. Beaucoup de gens parlent d'admettre les ouvriers en participation des produits et des bénéfices ; mais cette participation que l'on demande pour eux est de pure bienfaisance ; on n'a jamais démontré, ni peut-être soupçonné, qu'elle fût un droit naturel, nécessaire, inhérent au travail, inséparable de la qualité de producteur jusque dans le dernier des manœuvres.

Voici ma proposition : Le travailleur conserve, même après avoir reçu son salaire, un droit naturel de propriété sur la chose qu'il a produite.

Je continue à citer M. Ch. Comte
« Des ouvriers sont employés à dessécher ce marais, à en arracher les arbres et les broussailles, en un mot à nettoyer le sol : ils en accroissent la valeur, ils en font une propriété plus considérable ; la valeur qu'ils y ajoutent leur est payée par les aliments qui leur sont donnés et par le prix de leurs journées : elle devient la propriété du capitaliste. »

Ce prix ne suffit pas : le travail des ouvriers a créé une valeur ; or, cette valeur est leur propriété. Mais ils ne l'ont ni vendue, ni échangée ; et vous, capitaliste, vous ne l'avez point acquise. Que vous ayez un droit partiel sur le tout pour les fournitures que vous avez faites et les subsistances que vous avez procurées, rien n'est plus juste : vous avez contribué à la production, vous devez avoir part à la jouissance. Mais votre droit n'annihile pas celui des ouvriers, qui, malgré vous, ont été vos collègues dans l'œuvre de produire. Que parlez-vous de salaires ? L'argent dont vous payez les journées des travailleurs solderait à peine quelques années de la possession perpétuelle qu'ils vous abandonnent. Le salaire est la dépense qu'exigent l'entretien et la réparation journalière du travailleur ; vous avez tort d'y voir le prix d'une vente. L'ouvrier n'a rien vendu : il ne connaît ni son droit, ni l'étendue de la cession qu'il vous a faite, ni le sens du contrat que vous prétendez avoir passé avec lui. De sa part, ignorance complète ; de la vôtre, erreur et surprise, si même on ne doit dire dol et fraude.

Proudhon, Qu'est-ce que la propriété? (1840)

Cette lecture n'ayant pas répondu à toutes mes interrogations, j'ai l'impression que je ne vais pas pouvoir faire l'économie de la lecture de Marx.
A suivre...



(*) Proudhon distingue la propriété (de droit) de la possession (de fait)

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